dimanche 13 juillet 2014

Rurrenabaque et San Borja

RURRENABAQUE ET SAN BORJA



RURRENABAQUE


Rurre - comme on l’appelle ici - est une petite ville de 17000 habitants situé dans le département du Béni. C’est l’endroit privilégié pour visiter la jungle bolivienne. Ici, les gringos sont légion et organisent leur voyage dans forêt tropicale auprès d’un des (très, trop ?) nombreux tours opérateurs. Malgré cet apport touristique, Rurre a su conserver sa tranquillité et ce qui fait le charme des bourgades amazoniennes.
La ville est la porte d’entrée du parc national Madidi, superbe parc de renommée internationale qui absorbe la quasi-totalité du tourisme des environs.

 

Contacts :

Habitué à ce que tout se passe toujours parfaitement bien et à ne rencontrer que des portes ouvertes sur mon chemin, il fallait bien que ça arrive : rien ou presque n’a fonctionné ici.
Deux raisons principales : la réticence de certaines personnes à ouvrir leur porte et l’isolement de la région avec le reste du pays.
D’une manière générale, il m’est apparu que les refuges animaliers du coin étaient assez peu ouverts sur l’extérieur.

Premier exemple, le tour opérateur le plus cher de la ville fait sa communication sur une réserve privée où sont recueillis des animaux sauvages. Ceux-ci jouiraient d’une semi-liberté rendue possible par la taille gigantesque de la propriété. D’après leurs dires, les pensionnaires s’émancipent d’eux même jusqu’à être indépendants. Super dans l’idée, toutefois, lorsqu’ils évoquent des cas de jaguars, j’émets des doutes sur la fiabilité de cette méthode. Bref, intéressant quoiqu’il en soit, j’aurais aimé voir de mes propres yeux leur manière de travailler. Malheureusement, à peine l’idée évoquée, je me suis fait snobé magistralement et le « je reviens dans 5mn » s’est transformé en dernier contact. 
Passons rapidement sur 2 autres projets qui ne répondent ni au mail ni au téléphone, j’ai pu rencontrer les responsables des parcs nationaux Madidi et Pilon Lajas.

Ces parcs sont gérés par la SERNAP (SERvicio Nacional Areas Protegidas) et par une direction de représentants  de communautés indigènes vivant depuis toujours sur les lieux.
Un représentant des communautés de Pilon Lajas m’a expliqué le fonctionnement de la direction et les problèmes rencontrés dans la gestion partagée et concernant les besoins des habitants (colons qui s’installent et pillent les ressources, gouvernement intéressé par l’exploitation massive de pétrole…).
Au bureau de la SERNAP du parc Madidi, tout avait bien commencé, la conversation sur les problématiques du parc et sur notre projet a été enrichissante
Le directeur m’a parlé d’un lieu où il serait intéressant de commencer un refuge. Toutefois, lorsque j’ai demandé à accompagner les gardes forestiers sur place pour visiter le lieu et voir
le travail qu’ils y effectuaient la conversation a tourné au ridicule. Alors que je souhaitais profiter d’une sortie de travail des gardes pour en savoir plus, le directeur voulait ni plus ni moins me vendre un tour au prix fort, devenant semi-agressif en parlant du prix de l’essence, me demandant quel jour je voulais visiter. Bref, si l’idée de participer à l’essence ne me dérange pas, j’ai ressenti plus d’envie pour me pigeonner que pour promouvoir ce lieu soit disant fantastique où « il serait idéal d’y commencer un refuge » dixit le directeur.




Problèmes :
Il y a deux routes pour arriver à Rurre, lesquelles se rejoignent à Yucumo avant de terminer par les 3h de trajet qui séparent les deux villes.
Lors de mon séjour à Trinidad le mois dernier, je n’avais pu rejoindre cette région car la route Trinidad-Yucumo était fermée. Cette fois ce fut Yucumo-Caranavi, autrement dit le chemin jusqu’à La Paz, et je dus rentrer en avion (cela dit c’est soit 24h de bus sur des routes défoncées ou 40 minutes d’avion pour 60€). Différentes causes peuvent intervenir : la boue qui empêche le passage, un effondrement, des inondations…
Tout cela fait que la région est souvent coupée du reste du pays, ce qui n’est pas sans conséquences. Ceci entraine une flambée des prix et une pénurie d’essence. Pour arrondir les fins de mois, certains locaux stockent de l’essence pour la revendre plus de deux fois le prix en période de manque. Si la route reste fermée trop longtemps, la région est paralysée jusqu’à son ouverture et le retour des camions qui approvisionnent en essence.
J’avais rencontré à Rurre le responsable du refuge Yaguarete avec qui nous avions convenu d’une prochaine visite. Le jour où nous devions y aller : pénurie d’essence, nous avons été incapables de nous y rendre….
Ville sinistrée proche de Rurre

Anectode :
Alors que je cherchais de l’artisanat à vendre pour l’association, j’ai bien sympathisé avec un jeune artisan. En allant voir dans l’arrière-boutique d’autres produits je suis tombé nez à nez avec une peau d’ocelot. J’ai choisi  d’expliquer les buts de l’association sans en faire tout un plat pour en savoir plus. Il s’agirait d’un ami à lui qui l’a chassé car l’animal venait régulièrement manger ses poules. D’après lui c’était une opportunité mais il n’est pas habitué à acheter ce genre d’articles. Quoiqu’il en soit, nous avons discuté du trafic animal, le commerce de peaux serait courant dans la région. Si certains sont opportunistes, il existe un réseau plus organisé où l’acheteur commande au chasseur le type d’animal qu’il devra aller tuer (jaguar, petit félin, anaconda ou caïman). Toujours selon ses dires, beaucoup de peaux seraient destinées au marché asiatique.
En effet, pendant que nous discutions, quelqu'un est venu voir la peau. Sans un mot ou presque et l’air énervé il a observé la peau scotché à son téléphone puis est parti sans en dire plus. J’imagine que cette personne négocie des peaux pour alimenter l'Asie en produits pour la médecine traditionnelle, le tigre étant de plus en plus rare, la demande de félins sud-américains explose. De plus, une grande entreprise chinoise s’est implantée près de Rurre pour cultiver de la canne à sucre et la demande locale a depuis fortement augmenté.

SAN BORJA


Environ 25 000 habitants peuplent cette ville située sur la route entre Trinidad et Yucumo. L’activité principale de la région est l’exploitation de bétails. Dès qu’on sort de la ville, les fermes s’enchaînent les unes après les autres. D’après les boliviens, c'est ici qu'on produit la meilleure viande du pays.
Cependant, les récentes inondations ont durement frappé les troupeaux, beaucoup ont péri noyés, d’autres sont morts de faim. On sent que la zone a été sinistrée il y a peu, des cadavres de vaches jonchent le bord des routes et les survivantes sont d'une maigreur impressionnante. Inutile de préciser que l’économie de la région souffre énormément de la situation, les « ganaderos » sont toujours en attente d’un geste du gouvernement.

Photo symbolique des inondations du début d'année 2014 à San Borja

ESTACION BIOLOGICA DEL BENI

La proximité de la «station biologique du Béni » a motivé notre visite de San Borja.  L’Estacion biologica del Beni ou EBB est comme son nom l’indique un centre d’étude mais c’est aussi le nom du parc national  dans laquelle est située la station. Pour plus d’informations, je suis allé au bureau de la SERNAP qui gère le parc.
Il s’avère que dans le passé, l’EBB était géré par l’académie des sciences. Beaucoup d’études y ont été menées, des scientifiques du monde entier profitaient des infrastructures disponibles. Malheureusement, l’académie s’est retirée sans vraiment préparer sa succession ce qui a provoqué une baisse de l’affluence. Un incendie ravageur a fini de faire sombrer l’
EBB dans l’inactivité.
Depuis, plus personne ne vient visiter, et les responsables ont même choisi de mettre des vaches dans le parc national… L’EBB donne l’impression d’être à l’abandon.

Toutefois, la zone est intéressante, deux écosystèmes s’y côtoient (jungle et savane), un grand lac, des données disponibles grâce aux études passées.

Savane

Parmi les points négatifs, sans mentionner le problème des inondations commun à pratiquement tout le département, l’accès n’est pas des plus faciles. La piste en terre est en mauvais état mais le gouvernement devrait construire une route en asphalte dans les 3 prochaines années (Trinidad-Yucumo).















Merci à toute l’équipe de la SERNAP pour m’avoir permis de visiter les lieux, mon derrière se souvient encore du trajet en quad et de cette fichue barre métallique :) Tout comme mes oreilles se souviennent de ces soirées karaoké, véritables fierté culturelle de San Borja

Grégory LEGRAND pour Thémiselva